La Fille d’Avril d’Annelise Heurtier

Age : 12 – 15 ans, 15 ans et +

Éditeur : Casterman (2018)

280 pages

Note : 5 out of 5 stars

En 1960, la plupart des jeunes filles ont un avenir tout tracé : se marier, avoir des enfants, s’occuper de la maison. Catherine n’ose pas rêver à autre chose, jusqu’au jour où, par hasard, elle découvre le plaisir de la course. Et tandis qu’il est impensable de voir à l’époque une femme courir, c’est tout son avenir et sa place en tant que femme que Catherine va commencer à interroger…

Pensez que la pratique de la course à pied puisse relever de l’impensable pour une fille dans les années 60 m’a tout bonnement sidérée. J’ai voulu en apprendre davantage et je me suis donc plongée dans La Fille d’avril avec un intérêt certain.
Cette lecture m’a ouvert les yeux sur une époque que je croyais un peu plus moderne que cela et m’a aussi permise de comprendre comment vivaient les femmes avant que celles-ci décident de lutter pour leurs droits, de s’émanciper des hommes et surtout des rôles que la société entière voulait leur faire tenir.

La Fille d’avril s’ouvre en avril 2018, Catherine est la grand-mère d’Izia et elle décide de lui raconter le souvenir attaché à une mystérieuse boîte. L’histoire remonte le temps et nous voici plongés en 1966. Catherine a alors 15 ans, vit avec ses cinq frères et soeurs, au cœur de la campagne français. Elle a la chance d’avoir obtenu une bourse qui lui permet de continuer des études car sinon elle travaillerait déjà. Son quotidien est partagé entre l’école de filles qu’elle fréquente (dirigée par des religieuses strictes), ses tâches ménagères ( très nombreuses) et l’aide qu’elle apporte dans une petite boutique pour payer son repas du midi. Rien ne la pousse à s’interroger sur son existence et sa condition, jusqu’à ce qu’elle découvre le plaisir de la course. 

La Fille d’avril nous plonge dans une époque pas si lointaine ( celui de nos grands-mères, voire de nos mères) où les femmes avaient beaucoup moins de droits. La lecture a été une sacré claque mais aussi une vraie découverte sur la vie des femmes dans ces années là. Je savais qu’être une femme à cette époque c’était souvent être avant tout une épouse, une mère et entretenir une maison, mais à ce point, non. Il faut dire que Catherine vit à la campagne, isolée de tout et surtout de l’accès à l’information.

Le quotidien de Catherine est déroutant et ce qu’elle entend sur les femmes est le plus souvent choquant pour notre époque : les filles sont moins intelligentes que les garçons, une fille qui court trop risque de voir pousser des poils sur tout son corps, voire même de perdre son utérus ! ou encore : les hommes n’ont pas à s’occuper des tâches liées aux enfants ou à la maison…etc. Comment ne pas être étonnée ou même exaspérée par de telles idioties ?! Notre société a heureusement évolué, même si beaucoup reste à faire en France et dans le monde.

Ce qui est intéressant aussi dans La Fille d’avril, c’est de voir comment Catherine change au fil des chapitres. La découverte de la course à pied va l’éveiller à toutes sortes d’interrogations que bien d’autres femmes se sont aussi posées à cette époque et notamment sur la place de la femme par rapport à l’homme. Il est d’ailleurs assez amusant de voir les questions qu’elle se pose par manque d’accès à l’information. Elle semble souvent naïve mais son désir de dépasser les préjugés et incompréhensions de son époque, sont aussi un exemple.

La Fille d’avril est une lecture captivante et historiquement enrichissante. Comme pour Sweet Sixteen, un de mes romans préférés d’Annelise Heurtier, l’auteure s’est inspirée de faits réels et s’est énormément documentée. L’histoire de Catherine s’inspire notamment de celle de Kathrine Switzer, qui en 1967, s’est inscrite au marathon de Boston alors que cela était interdit aux femmes…

En quelques mots :

Un roman sur la vie des femmes dans les années 60, en France, qui est aussi une vraie claque. On y découvre une société qui cantonne les femmes dans leur rôle d’épouse, mère et ménagère. L’histoire de Catherine, cette ado qui veut pouvoir courir comme les hommes et s’émanciper des carcans, est un reflet du quotidien de ces jeunes filles qui, dans ces années là, décidèrent de se poser des questions sur leur place vis-à-vis des hommes, dans la société. 
La Fille d’avril est une lecture très enrichissante, qui permet de découvrir une époque, pas si lointaine mais différente. En tant que femme, je suis soulagée de voir que notre société a évolué, tout en étant convaincue que je dois à Catherine et aux autres qui firent comme elle, énormément. Même s’il reste encore beaucoup à faire !
Annelise Heurtier avec La Fille d’avril offre sans conteste une histoire déroutante pour de jeunes lecteurs mais c’est aussi un portrait très documentée de la vie d’une jeune fille dans les années 60. Une lecture cruciale pour ne pas oublier l’histoire de l’émancipation de la femme !

Lien pour marque-pages : Permaliens.