Ne tombe jamais de Patricia McCormick

Age : 15 ans et +
Éditeur : Gallimard jeunesse : Scripto (2014)
220 pages

Note : 5 out of 5 stars

Arn a onze ans lorsque les Khmers rouges arrivent au pouvoir au Cambodge et mettent en place une terrible dictature communiste. Obligé de fuir, il se retrouve dans des rizières, véritables camps de travail. La faim, la fatigue, la maladie, la mort, sont bientôt son quotidien.
Arn lutte pour survivre et devient ainsi musicien en 5 jours. Dés lors, il voyage de camp en camp pour chanter les chants révolutionnaires.
Mais peut-on continuer de grandir, d’espérer quand on est confronté à l’horreur ?

Il faut avoir le coeur bien accroché et les reins solides pour digérer la brutalité du récit d’Arn, pourtant entièrement vrai. En effet, Ne tombe jamais raconte  le parcours incroyable mais terrible d’’Arn Chorn-Pond dans les camps de travail des Khmers Rouges, une des plus sanglante dictature, qui sévit au Cambodge entre 1975 et 1979. Arn avait alors 11 ans et ce que cet enfant va devoir affronter ne devrait être vécu par aucun homme. La faim, la fatigue, le froid, la maladie, les combats, les longues marches forcées et la mort seront son quotidien pendant ces quatre ans et nous suivons son parcours au fil des chapitres.
Patricia McCormick a recueilli ce témoignage poignant d’Arn Chorn-Pond et a souhaité le retranscrire avec le plus de justesse possible. Son travail a prit deux ans. Deux ans pour recueillir d’autres témoignages des personnes qui ont vécues avec Arn, et pour vérifier au mieux les événements de l’histoire d’Arn. La quête de vérité, c’est tout ce qui importait, même si cette vérité fait mal, très mal.
Au bout de ces longues recherches, le roman Ne tombe jamais sonne donc plus comme une biographie. L’écriture de Patricia McCormick nous donne le sentiment d’entendre à chaque fois la voix d’Arn. Un style haché, broyé, où la langue est volontairement imparfaite. L’ensemble est touchant. C’est cette écriture qui nous prend aux tripes, nous donne les larmes aux yeux.
Ne tombe jamais est l’un des livres les plus durs et difficiles qui m’ait été donnée de lire. Je crois que j’ai ressenti une telle horreur au fond de moi qu’avec La Liste de Shindler, film sur les camps de concentration de la Seconde guerre mondiale. Même Si c’est un homme de Primo Lévi n’avait pas réussi à me glacer autant, mais je ne pense pas qu’il faille s’en réjouir.
Pendant de longs chapitres de Ne tombe jamais, Patricia McCormick décrit les morts, les assassinats des Khmers rouges, les conditions horribles dans les camps et la lecture, toute en accumulations de scènes violentes, d’images terribles, nous glace le sang. On ne veut pas croire que des hommes sont capables de faire ça à d’autres hommes. Et pourtant. Savoir que rien n’est inventé, c’est peut-être ça la plus grosse claque que l’on reçoit en lisant Ne tombe jamais.
Souvent ma lecture de Ne tombe jamais a nécessité que je marque des pauses. J’avais besoin de reprendre mon souffle, de verbaliser ce que je lisais pour ne pas me laisser envahir par une émotion trop intense. Un rempart, une protection qui permet de digérer, un peu, le récit d’Arn. Je ne connaissais pas vraiment la dictature des Khmers rouges et ignorait ce génocide qu’on n’apprend pas à l’école : sa réalité m’a frappée violemment. Je crois que c’est un livre qu’on devrait donner à lire autant qu’on fait lire des romans sur la Seconde guerre mondiale car on voit bien que la brutalité humaine ne s’est pas arrêtée avec le nazisme.
Patricia McCormick évoque en fin d’ouvrage la difficulté qu’Arn Chorn-Pond a pu avoir a livrer son témoignage. Il n’est jamais facile de revivre des événements aussi douloureux. Quelques passages sont marquants dans Ne tombe jamais et j’aimerais les citer pour conclure cette chronique.
Il y a d’abord cette “technique” de la tante d’Arn pour survivre, qu’elle transmet à ses neveux et nièces avant qu’ils ne soient séparés : “Faites ce qu’ils vous disent”, elle chuchote. “Soyez comme l’herbe. Courbez-vous, bas, très bas, et encore plus bas. Le vent souffle dans un sens, vous penchez dans ce sens-là. Il souffle dans l’autre sens, vous aussi, vous changez de sens. C’est comme ça qu’on survit.
Et puis, il y a ce deuxième passage qui à sa lecture m’a semblé illustrer parfaitement ce qu’on pouvait ressentir en vivant ce qu’Arn a vécu : “Vous pensez que vous ne pourrez jamais vous habituer à une chose aussi triste, des enfants qui meurent, mais vous vous y habituez. Vous pensez que peut-être vous voulez mourir aussi, mais vous ne mourez pas. Vous n’êtes pas vivant. Et vous n’êtes pas mort. Vous êtes un mort vivant.

En quelques mots :

La lecture de Ne tombe jamais a été pour moi une véritable claque. C’est le roman le plus dur qui m’ait été donné de lire depuis très longtemps. Peut-être même le plus dur. Dans une écriture hachée qui nous fait entendre la voix d’Arn, Patricia McCormick raconte les événements terribles auxquels le garçon sera confronté pendant presque 4 ans avec la dictature des Khmers rouges. Ne tombe jamais ne masque rien de l’horreur, de la violence et il faut souvent s’arrêter pour digérer le récit, reprendre son souffle. Le témoignage est sensible et juste mais terriblement glaçant. La barbarie humaine a son apogée, racontée sans détour. Un véritable coup de poing dans le ventre, asphyxiant.

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