Le Passeur (The Giver) de Lois Lowry

Age : 12 – 15 ans
Éditeur :  L’Ecole des loisirs (1994)
290 pages

Note : 5 out of 5 stars

Jonas vit au sein d’une communauté qui ignore tout de la faim, des guerres, du chômage, de la maladie, de la peur mais aussi des couleurs, des sentiments, de la musique…un monde aseptisé où il fait bon vivre. Au court de sa cérémonie des douze-ans, il est désigné, à la surprise générale, comme le prochain Dépositaire de la mémoire. Lui seul sait comment était le monde, des générations plus tôt, et Jonas va devoir recevoir ce savoir. Ce que le Passeur va alors lui transmettre, pourrait bien bouleverser sa vie à tout jamais…

Il fut une époque où la dystopie n’avait pas encore envahi les rayons de la littérature jeunesse. Lois Lowry fit figure de révolutionnaire lorsqu’elle décida d’adresser un roman dystopique à destination des adolescents : Le Passeur. C’était en 1994. Le roman reçu cette même année le Newbery Medal.

Le Passeur est le premier tome d’une tétralogie dont l’ultime tome ne sort que 20 ans après ( en 2014, donc) : Le Fils. Pour autant, le roman se suffit à lui-même et peut être d’une certaine manière considéré comme un one-shot car les suites ne sont que partiellement reliées à l’histoire racontée dans Le Passeur. A vrai dire, lorsque j’ai lu en 2003 (je crois) Le Passeur pour la première fois, je ne savais pas que le roman aurait une suite. La fin est certes ouverte, mais c’est courant en littérature jeunesse.

Loin des volumineux Hunger Games, Divergente ou autres dystopies du moment, Le Passeur est un roman qui ne dépasse pas les 300 pages et se concentre surtout sur la description minutieuse du quotidien de Jonas.
Le roman ne se construit pas du tout comme les dystopies actuelles où les auteurs sont très tournés vers le sensationnel, la notion de hiérarchie, de castes, puis le soulèvement des populations voire les guerres.
Non, Lois Lowry base surtout son récit sur la description du fonctionnement de La Communauté et la vie de Jonas. Lorsque ce dernier devient le Dépositaire de la mémoire, Lowry nous raconte les souvenirs transmis par le Passeur et leurs effets sur Jonas.
Finalement, la partie où Jonas prend conscience de l’aspect négatif de son monde utopique, s’interroge sur le sens de la Communauté et décide de changer le cours des choses, ne dépasse pas pas les 80 pages. Pire, on ne connaîtra pas le résultat de ses décisions, Lois Lowry laissant le lecteur l’imaginer… C’est assez déroutant par rapport à ce qu’on a aujourd’hui l’habitude de lire, mais c’est aussi cette singularité qui plaît.
Dans Le Passeur, Lois Lowry prend vraiment le temps de nous décrire ce monde utopique et le roman nous passionnera surtout pour cet aspect là, car Le Passeur ne présente pas une action extraordinaire. D’une certaine manière, je le trouve bien plus réaliste et cohérent que les autres dystopies qui cartonnent en ce moment.

N’allez pas croire pour autant que Le Passeur est un roman plat et sans rebondissement. Seulement, l’action est plus diffuse et se tient surtout dans les découvertes du fonctionnement de la Communauté ( pour le lecteur qui suit Jonas) et dans les découvertes, pas à pas, de l’Ancien monde et de l’Ailleurs, par Jonas auprès de l’ancien Dépositaire de la mémoire ( qu’on appelle le Passeur).
Les révélations finales, notamment celle sur la véritable nature de l’élargissement, sont sources de stupeur. Lorsque le roman s’achève, on aimerait continuer de suivre le destin de Jonas, mais les suites auront d’autres héros….alors à nous d’imaginer.

En quelques mots :

Cette dystopie, qui fut l’une des premières destinées à la jeunesse, n’a pas vieillie. Original dans sa construction, Le Passeur est surtout centré sur la description du fonctionnement de la Communauté et du quotidien de Jonas, plus que sur la mise en scène d’une révolte. C’est cette singularité qui attire et captive le lecteur tout au long des 290 pages du roman. Le Passeur est un texte de qualité, où le “monde” et l’histoire imaginés par Lois Lowry sont saisissants de réalisme. Le récit suit un cheminement cohérent sans jamais tomber dans l’excès et le sensationnel, jusqu’à une fin ouverte qui laisse au lecteur de multiples possibilités.

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