Age : 15 ans et +
Éditeur : Robert Laffont : R (2016)
200 pages
Note :
La veille des attentats du 7 janvier 2015, Caumes, 17 ans déclare enfin son amour à Esther. Leur histoire s’annonce parfaite mais très vite, les événements terribles qui touchent la France vont connaître un écho dans la vie de Caumes et de ses amis…
C’est d’abord l’ancrage particulier d’A la place du coeur, qui m’a donné envie de plonger dans le roman d’Arnaud Cathrine. En effet, alors que Caumes, 17 ans, découvre les saveurs de l’amour aux côtés d’Esther le jour de son anniversaire, il va dans le même temps être confronté au terrorisme sur le sol français lui-même. Au travers les pensées de l’adolescent que nous suivons pendant ces six jours de janvier 2015, le lecteur replonge dans ce contexte fort et marquant où la France bascule dans l’effroi. L’identification opère vite car Caumes est un lycéen ordinaire qui va être confronté en moins de 24h à l’amour et la haine. On retrouve dans le roman d’Arnaud Cathrine l’ambiance un peu particulière de cette période, où la sidération provoquée par l’attaque de la rédaction de Charlie Hebdo, la prise d’otage de l’hypermarché kascher parisien et celle de l’imprimerie de Dammartin-en-Goële, se conjugue avec le désir de continuer à vivre normalement.
A la place du coeur, saison 1 mêle habilement l’histoire d’amour et l’histoire d’actualité. Les événements de janvier 2015 ne sont pas un prétexte ou un simple fond à la trame du roman, mais au contraire, Arnaud Cathrine évoque avec justesse les bouleversements que ces attaques vont avoir sur la vie de notre bien ordinaire Caumes. La stupeur des gens d’abord mais aussi très rapidement les changements de comportements autour de nous. Un racisme qui s’exacerbe, des théories du complot qui resurgissent, de nouvelles questions qui se posent. Caumes est vraiment un personnage très proche de nous : tout en vivant le plus beau moment de sa vie, il est confronté dans le même temps à l’indicible. De nombreux passages sont aussi des échos de ce que l’on a soi-même pu voir autour de soi peu après les événements : ceux qui se révoltent, ceux qui sont “Charlie” et ceux qui ne le sont pas, ceux qui se révèlent être de vrais racistes, ceux qui sont touchés, ceux qui veulent continuer de vivre sans avoir peur…
Le “décor” de cette histoire est indubitablement marquant et c’est vraiment ce qui m’a séduite dans A la place du coeur, saison 1 d’Arnaud Catherine. L’écriture est également très percutante et rythmée. Les six jours sont évidemment très denses comme ce fut le cas dans la réalité où pendant quelques temps les Français ont eu le sentiment que tout se précipitait et que la folie meurtrière ne s’arrêterait pas. Arnaud Cathrine a fait aussi quelques choix originaux pour que la lecture se fasse encore plus rapide : certains chapitres ne sont que des dialogues et d’autres sont représentés en conversations Facebook. Le tout est hyper-réaliste et c’est vraiment efficace.
Arnaud Cathrine n’hésite pas à employer un ton parfois très cru. En littérature jeunesse et même young-adult, on n’est pas toujours habitué à autant de propos relatifs à la sexualité du personnage or Arnaud Cathrine lui en parle énormément. C’est un peu déstabilisant et même si je trouve que ça participe aussi à donner au roman un ton très réaliste et proche des pensées d’un ado de 17 ans (ne nous le cachons pas) c’est aussi un peu lassant à la longue quand le personnage semble focaliser sur son sexe toutes les 2 pages… C’est un peu le bémol que j’apporterai à A la place du coeur.
En quelques mots :
Le mélange histoire d’amour et histoire d’actualité font d’A la place du coeur, saison 1 une très belle découverte. Aux côtés de Caumes, le lecteur replonge dans l’ambiance particulière de janvier 2015, marquée par l’effroi et la stupeur. Arnaud Cathrine dépeint très bien les changements d’attitude de chacun face aux événements et son texte résonne avec justesse. Caumes est un personnage très proche de nous, avec lequel on peut très vite s’identifier.
Du côté de l’écriture, Arnaud Cathrine a un style très percutant et hyper-réaliste. Il n’hésite pas à rythmer son histoire par des passages avec uniquement des dialogues ou des conversations facebook. Mais j’ai un eu peu plus de mal avec l’écriture très cru d’Arnaud Cathrine lorsqu’il aborde la sexualité de son personnage car celle-ci revient un peu trop fréquemment et même si c’est évidemment pour être au plus proche des pensées d’un ado de 17 ans, ça m’a un peu lassée au fur et à mesure.