La Sans-Visage de Louise Mey

Age :  12 – 15 ans
Éditeur : L’école des loisirs (2020)
200 pages

Note : 5 out of 5 stars

Éléonore a disparu dans la nuit et personne n’est vraiment étonné. Surtout pas Clara qui a tout vu, tout entendu. Dès le début de la colo, Lilas et sa petite bande ont pris Éléonore pour cible. Ils l’ont d’abord appelée Babar, puis ils l’ont bousculée, malmenée, et ils ont fait de sa vie un enfer. Clara a observé de loin leurs petits jeux cruels, sans dire un mot, sans intervenir. Comme tous les gens de la colo, elle a même fini par s’habituer, à trouver normal que l’on s’acharne sur cette fille. Elle a tout vu, tout entendu. Et aujourd’hui, Éléonore a disparu…

La littérature jeunesse s’est emparée du thème du harcèlement entre adolescents depuis quelques années maintenant. Une bonne chose car malheureusement le fléau est difficile à endiguer. Ce qui distingue le roman La Sans-visage de Louise Mey, c’est le point de vue qu’il adopte. Alors que beaucoup de romans sur le harcèlement se placent du côté des victimes, il est bien plus rare d’en trouver un du point de vue des témoins. Or, on le sait, ce sont les témoins qui jouent le plus un rôle dans le harcèlement et son endiguement…

Dans La Sans-visage, Clara raconte comment le harcèlement d’Eléonore s’est installé au sein de la colo à laquelle elle participe. Petites moqueries, brimades, isolement du groupe des gestes anodins du quotidien qui se banalisent mais font vivre à Eléonore un petit enfer. Clara n’a pas un mauvais fond, elle est même une narratrice attachante dans laquelle beaucoup peuvent s’identifier au même âge. Peu sûre d’elle, elle assiste avec un sentiment d’impuissance au harcèlement d’Eléonore, cherchant à comprendre comment l’anormal est devenu normal, au fil de la colo.

En racontant l’histoire du point de vue d’un témoin, Louise Mey permet à tout un chacun de réfléchir au rôle qu’il peut jouer dans le harcèlement d’un camarade. L’autrice élargit la responsabilité au-delà des seuls auteurs du harcèlement, reprenant ici l’adage “qui ne dit mot consent”. La position est inconfortable mais essentielle. A travers Clara, c’est notre propre responsabilité dans le harcèlement collectif qui est questionnée.

Le rôle de l’adulte est aussi abordé par Louise Mey à travers les deux animateurs de la colonie. On comprend comment le quotidien de la gestion d’une colo ( ou d’une classe) peut amener l’adulte à ne pas tout voir. Là aussi, Louise Mey n’excuse pas, mais explique comment le harcèlement peut se banaliser et sembler se diluer dans la vie courante. Effrayant diront certains, diablement réaliste pour moi.

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