Dopamine de Patrick Bard

Age :   15 ans et +
Éditeur :  Syros ( 2022 )
210 pages

Note : 5 out of 5 stars

Février 2021 : le corps d’un jeune fille de quatorze ans est retrouvé dans la Marne. Ses meurtriers, identifiés très vite, sont deux camarades de classe. Une fille et un garçon qui ne semblent pas conscients de la gravité de leur acte et invoquent des mobiles inconsistants. Entre addiction aux écrans, haine déversée sur les réseaux sociaux, harcèlement et calomnie, le juge d’instruction chargé de l’affaire décide de décrypter coûte que coûte la mécanique de l’impensable.

Au départ, il y a un fait divers bien réel dont la presse nationale s’est fait l’écho : deux ados qui provoquent la mort d’un troisième. Ensuite, il y a la volonté de Patrick Bard de chercher à comprendre comment l’impensable à pu se produire et comment on devient, à seulement 15 ans, un meurtrier. Enfin, il y a l’envie d’explorer à nouveau une thématique actuelle mais encore trop peu explorée dont Patrick Bard à le secret, lui qui est déjà l’auteur de POV ( sur la cyberaddiction au sexe ) , Et mes yeux se sont fermés ( sur l’embrigadement)  ainsi que Le Secret de Mona ( sur la pauvreté, la précarité, l’isolement social). La dopamine, c’est ce petit “shoot de plaisir” que l’on reçoit quand on surfe sur Internet, réussit une mission dans un jeu vidéo ou lorsque quelqu’un like une de nos publications sur les réseaux sociaux, c’est ce à quoi Emma et Enzo, personnages principaux de Dopamine, étaient, insidieusement, devenus accros.

Le lecteur est au côté du juge Romain Ségara qui a en charge cet épineux dossier. Au fil des interrogatoires de l’entourage d’Emma et Enzo et des flash-back, l’homme de loi remonte le fil, découvre un univers qu’il maîtrise mal et cherche à comprendre ce qui a bien pu se passer dans la tête des deux adolescents. Deux portraits, très différents se dessinent peu à peu. D’un côté, Emma, une jeune fille élevée par une mère célibataire et qui a fait plusieurs passages par des foyers, accro aux réseaux sociaux et en quête perpétuelle d’une validation sociale. De l’autre, Enzo, un ado lui aussi élevé seulement par sa mère, passionné par les jeux vidéos et qui faute de parvenir à nouer des amitiés réelles, va devenir accro à une application permettant d’avoir une petite amie virtuelle Deux ados isolés, solitaires, cibles faciles des pires aspects du numérique que le confinement lié au covid-19 va venir exacerber.

Dopamine pointe les dérives, les excès de l’usage de certaines applications et les raisons qui font que certains tombent dans l’addiction avec tous les risques que cela comporte : la perte des repères, de la distinction entre le bien et le mal, entre le réel et le virtuel, entre les sentiments et les chimères du numérique. Si l’acte d’Emma et Enzo est impardonnable, Patrick Bard semblent les considérer comme les victimes des attentes et enjeux de la société actuelle. Des ados perdus qui n’ont pas tous les codes et qui n’ont pas vu qu’ils devenaient de plus en plus extrêmes, des ados incapables de comprendre le poids et les conséquences de leurs actes. En effet, le lecteur comprend très vite qu’Emma et Enzo ne sont pas des meurtriers en puissance. Au contraire, Patrick Bard montre avec finesse comment chacun à pu basculer, sournoisement, de l’amitié au harcèlement et à la violence, de l’amour à la volonté de tuer.

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